L'info-lettre de Noémie

Une newsletter pour parler féminisme, violences sexistes et sexuelles, pop-culture, littérature, mais aussi parcours de thèse et tricot.

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Par Noémie Trovato
12 nov. · 7 mn à lire
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Novembre gris : info-lettre inaugurale

L'info-lettre inaugurale de Noémie. Au menu : une liste d'hommes accusés de VSS, des recommandations culturelles plombantes mais nécessaires et des idées tricot pour les fêtes de fin d'année.

Préambule : une liste

Je commence cette première info-lettre avec une petite liste des hommes récemment accusés de violences :

  • Nekfeu, dont l’ex-conjointe dénonce des violences conjugales et sexuelles dans un communiqué de son avocate, auquel Nekfeu a répondu avec un communiqué à charge, exemple textbook 101 du bon retournement de la charge accusatrice (ou DARVO). Les internautes ont par ailleurs “fait sauter” (fait fermer) le compte X créé pour l’occasion par l’avocate de la victime, preuve encore une fois que les femmes ne sont pas crues, mais alors pas du tout du tout. Exit aussi l’image de pro-fem doux de Nekfeu, même si je renvoie à un article de Benjamine Weil qui propose une explication de texte de certains de ses titres qui m’amène à me demander comment il a pu être érigé en icône pour autant de femmes… certaines diraient sa blanchité, et elles ne seraient sans doute pas dans le tort…

  • Nicolas Duvauchelle, cité par Sara Forestier comme étant l’homme l’ayant giflée sur un tournage, incident violent qui l’a contrainte à arrêter pendant quelques années sa carrière d’actrice, traumatisée. Elle en parlait au micro de la commission d’enquête sur les violences dans le secteur culturel. L’acteur dément assez véhément sur les réseaux sociaux, quitte à hausser le ton — à l’écrit — face à des féministes. Là encore, il retourne la charge accusatrice et se défend de toute violence, lui qui serait donc irréprochable depuis le début de sa carrière sur les plateaux. Et là encore, je m’interroge sur cette stratégie de défense : être irréprochable pendant 30 ans empêche-t-il une occurence de violence ? Les meurtriers/violeurs ne sont pas des meurtriers/violeurs tant qu’ils ne tuent/violent pas, puis après, ils le sont. Non ?

  • Jérome Niel, humoriste et acteur, cité par une maquilleuse dans une story Instagram. Elle dénonce 9 ans d’emprise et, lorsque le public commence à s’enflammer (i.e. insulter Niel sur les réseaux sociaux), la victime est obligée de faire une deuxième story, sorte de démenti, pour préciser qu’il ne s’agit pas de violences sexuelles mais bien d’emprise psychologique. Elle s’excuse même que le public ait pu penser ça. Cela pose des questions quant à la gradation, la hiérarchisation, la catégorisation des violences : seraient elles moins graves puisqu’elles ne sont pas sexuelles ? La victime n’aurait-elle pas le droit de parler publiquement puisqu’il ne s’agit pas d’un “#MeToo” (sic.) ? Y a-t-il des actes que l’on peut/doit dénoncer publiquement tandis que d’autres doivent être contenus dans la sphère privée ? Je repense à l’émission de Médiapart consacrée à l’affaire Léo Grasset, où sont majoritairement décrits des faits de violences psychologiques, sexuelles, d’emprise, et globalement, d’un “comportement jugé problématique”. Beaucoup se sont indignés d’écouter ces femmes parler de violences banales, intimes, privées, anecdotiques (sic. à chaque fois). J’ai moi-même, à l’époque, eu l’impression de n’avoir pas la légitimité à accéder à ces récits parce qu’ils me paraissaient sortir du cadre de la violence dénoncée par #MeToo et cie. Et puis j’ai réfléchi : politiquement, sociologiquement, ces récits sont importants aussi parce qu’ils dénoncent quelque chose qui n’est pas en vert sur le violentomètre ; ce serait même en orange plus que foncé. Alors, nécessité de repenser ce qu’on dénonce et ce qu’on accepte de prendre en compte comme violence légitime à être entendue, débattue, dénoncée.

Si cette info-lettre ne sera pas seulement dédiée aux violences sexistes et sexuelles, il me semble important de prendre le temps de diffuser la voix de celles qui parlent, parce que celle-ci est encore très majoritairement étouffée. (Pour la justice : ces hommes sont présumés innocents et je n’affirme rien quant aux violences dénoncées ; on sait jamais je préfère préciser je veux pas d’emmerdes moi).

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